Le Bushcraft à la mode

Cet article à été initialement publié dans le magazine « Survival Magazine n°39 ».

Auteur Julien « Kaio » Abbate.

Cela fait quelques années que l’on voit apparaître le mot bushcraft un peu partout. Youtube, Instagram, Facebook, sites web de professionnels du tourisme, articles de presse, TV, magazines… Un mot devenu à la mode. Mais au final, c’est quoi vraiment le bushcraft ? 

Définition

Je vais donner ma définition de ce qu’est cette pratique à mes yeux, c’est ainsi que j’explique à ceux qui ne connaissent pas. Pas besoin d’écrire un roman, les choses simples sont souvent les plus efficaces. Et même si chacun aura sa propre interprétation, il n’en reste pas moins qu’il y a une base. 

Le terme bushcraft (Bush : la brousse. Craft : l’artisanat) est originaire d’Afrique du sud et date de l’époque de la grande exploration de l’Afrique par les aventuriers anglais. C’est une contraction de la phrase «the craft in the bush». Bushcraft signifie littéralement «l’artisanat de la brousse». 

Les Bushmen ont toujours vécu simplement, se servant de méthodes ancestrales d’utilisations des ressources naturelles se trouvant autour d’eux. Fabriquer des huttes, des outils, des cordages, de la poterie, de la vannerie, des armes, des vêtements, du mobilier, utiliser les plantes comestibles et médicinales, etc… Avant d’être une mode, le bushcraft est un mode de vie.

Ce n’est ni plus ni moins qu’un savoir faire qui s’est perdu au fur et à mesure du temps avec la modernité de notre société. Une pratique finalement très proche des techniques primitives.

Littéralement, si on ne vit pas dans le bush, on ne fait pas de bushcraft. En Europe on pourrait parler de Woodcraft ou Forestcraft. 

Néanmoins, peu importe le mot utilisé. L’essence même de cette «discipline» étant d’utiliser ses mains pour fabriquer des choses avec des matériaux naturels en respectant la nature.

Constat actuel

Malheureusement, ce mot est aujourd’hui utilisé à tord et à travers et ne veut souvent plus rien dire. 

La vague de Youtubeur surfant sur cette mode en est le bon exemple. Il est très coutumier de voir des titres accrocheurs avec le mot bushcraft mis en évidence. Mais une fois sur deux, on n’y trouve pas tellement de bushcraft. Dormir dans les bois, allumer un feu, réchauffer des boîtes de conserves et boire une bière… c’est du bivouac !

Soyons clair, si tu n’utilises pas les ressources naturelles autour de toi pour fabriquer quelque chose de tes mains, tu ne fais pas de bushcraft. D’ailleurs, c’est tout à fait possible de faire du bushcraft sans faire de bivouac. L’un ne va pas forcément avec l’autre. 

Bien entendu, toutes les choses qui prennent de l’ampleur génèrent un business. Les marques surfant sur cette mode en sont le bon exemple. Depuis quelques années, on voit apparaître des gammes bushcraft chez certaines d’entre elles. Un petit écusson en cuir, une couleur naturel ou camouflage et le tour est joué ! Cependant, attention à ne pas tomber dans le piège marketing que l’on veut bien nous vendre. Parmi tout ce matériel, il y a « à boire et à manger », il faut savoir faire le tri.

Par exemple, une scie reste une scie et le travail qu’elle réalise sera toujours le même, et ce, peu importe l’esthétique. 

De même pour les couteaux, ils sont destinés à couper et non pas à fendre du bois comme une hache. Un couteau ne remplacera jamais une hache ! Avoir une lame de 25cm afin de pouvoir bâtonner et faire des coupes à la volée nécessite forcément d’avoir un deuxième couteau pour tout les travaux plus fins, qui sont souvent les plus utiles. Une hachette et un Opinel s’avèrent être amplement suffisant dans la plupart des situations. Néanmoins, les goûts et les couleurs sont propres à chacun, et le principal est de se faire plaisir.

Si on cherche un peu sur internet des livres de bushcraft, on va très rapidement tomber sur le peu de choses qu’il se fait actuellement. Canadien, britannique, américain, français… Mais finalement très peu d’auteurs. Parmi eux, des références mondiales telles que Ray Mears ou Mors Kochanski, des hommes de terrains. On peut sentir leurs vécus et expériences à travers la lecture de leurs ouvrages. Ce sont des livres inspirants et à titre personnel, je suis confiant sur leurs contenus.

Il y aussi les «experts en survie» qui mélangent survie et bushcraft dans le même livre. Ce n’est pas un livre de bushcraft mais de survie avec quelques techniques de bushcraft. L’état d’esprit et les objectifs ne sont absolument pas les mêmes. Le bushcraft s’inscrit dans la durée, la survie dans l’instant présent.

Et enfin, il y a les livres écrits par des auteurs qui ont une très grande connaissance théorique du sujet et qui se documentent depuis plusieurs années. La lecture de ces ouvrages peut être une mine d’or d’informations. Malheureusement, parmi ces auteurs, certains manquent souvent de réelles expériences de terrain et cela se ressent dans la lecture. C’est comme si Denis Brogniart écrivait un livre de survie. Théoriquement, il connait sûrement pleins de choses. Techniquement, les a-t-il déjà vraiment mises en pratique (et pas juste une fois pour faire des photos…) ?

Pour finir, il y a les organismes de stages de survie qui se mettent aussi à vendre des stages de bushcraft. Pour avoir fait personnellement une petite étude sur le sujet, en France, la plupart de ces stages bushcraft n’en sont pas. Il n’y a souvent ni l’état d’esprit, ni le travail en profondeur des matériaux naturels. Cet état des lieux a été confirmé par plusieurs de mes confrères pratiquant eux-mêmes la discipline.

Ma position

Si je me permets une telle analyse, peut-être un peu brutale, c’est parce que je suis moi-même un des nombreux acteurs du milieu. Je vois évoluer cet art depuis plusieurs années et certaines choses me chagrinent un peu car cela manque parfois d’authenticité.

En 2018, j’ai crée «Kaio Bushcraft» devenu en janvier 2022 «Kaio Experiences» afin d’organiser des stages de vie dans la nature (Bushcraft, micro-aventure, expédition). Je suis également animateur de randonnée et d’orientation.

Derrière moi, une trentaine d’années d’expériences et d’aventures en milieu naturel. Scoutisme, treks, raids, expéditions, autonomie, bushcraft… Je suis un passionné, amoureux des grands espaces. La vie en milieu naturel me fascine depuis toujours et j’ai aujourd’hui la chance de pouvoir transmettre mes connaissances de ce milieu et d’en vivre.

Mais au delà des connaissances transmises sur mes stages, j’essaye avant tout de transmettre un état d’esprit. Il est important à mes yeux que chaque personne reparte d’un stage en ayant changé sa manière d’appréhender la nature et les éléments. Que chacun puisse être capable de mesurer l’impact de l’homme sur la nature et les conséquences que cela engendre sur le court et le long terme.

Conclusion

Les «modes outdoor» vont et viennent mais peuvent aussi laisser de vilaines traces sur l’environnement.

En 2022, nous sommes aux portes d’un bouleversement planétaire.

Notre environnement naturel est fragile et de plus en plus en danger. 

Soyons capable de prendre du plaisir dans notre pratique tout en respectant le biotope. 

Savoir vivre dans la nature c’est bien, vivre avec elle en harmonie c’est mieux !

Finalement, n’est-ce pas aussi cela le bushcraft ?