LE BOULANGER DES BOIS
Cet article à été initialement publié dans le magazine "Survival Magazine n°40". Auteur Julien "Kaio" Abbate.
Le pain est une tradition ancestrale dans tout les pays du monde. Ce savoir-faire gratifiant et à la
portée de tous accompagne nos repas depuis des millénaires.
L’origine du pain
Aujourd’hui, le pain consommé est le résultat d’un long parcours gastronomique et agricole. Il aura
fallu plusieurs milliers d’années pour en arriver à ce stade. Cet aliment simple et souvent
indispensable à la survie des peuples, fait partie de la nourriture de base de l’homme depuis
longtemps.
Historiquement, c’est aux Egyptiens que l’on attribue le plus souvent l’invention du pain, 3000 ans
avant JC. En réalité, le pain existait déjà mais c’est eux qui ont découvert le levain, par accident. On
suppose que c’est en mélangeant des céréales écrasées avec l’eau du Nil (riche en limons) et en
oubliant cette pâte à l’air libre, qu’une fermentation à pu se faire. Cette pâte a ensuite été cuite au
four. Ainsi aurait eu lieu la découverte du pain au levain. Bien que les égyptiens soient les
inventeurs du pain au levain, ce sont les Grecs qui sont à l’origine du métier de boulanger1.
Bon nombres d’archéologues, anthropologues et historiens ont étudié l’origine du pain. De récentes
recherches en Jordanie démontrent que du pain avait déjà été réalisé il y a 14 000 ans à la période
du Natoufien. Soit 9000 ans avant l’Egypte ancienne, et 4000 ans avant le début de l’agriculture2 .
Bien des siècles plus tard, à l’époque moderne, la qualité du pain consommé à énormément
diminué. La plupart des boulangeries ne proposent plus que du pain de qualité industrielle. En 1836,
une première boulangerie industrielle voit le jour à Paris. C’est d’ailleurs à cette même époque
qu’apparaît la baguette de pain. C’est aussi à cette période que la consommation de pain frais se
démocratise. Jusque-là, le pain était fabriqué en moyenne une fois par semaine ; manger du pain
rassis était donc une habitude.
Depuis peu, il existe un retour des fabrications ancestrales grâce à l’apparition d’agriculteurs
cultivant des variétés anciennes de céréales. Les boulangers qui veulent renouer avec ces anciennes
traditions peuvent alors se fournir chez ces derniers, pour le plus grand plaisir des amateurs de bons
pains.
Pour terminer sur l’aspect historique, selon l’historien Benigno Cacérès : « En fait, toute l’histoire de l’humanité est comme rythmée par la production des céréales panifiables : des révoltes, des guerres, des conquêtes se sont déclenchées à cause du pain. Objet de pouvoir, il sera vite réglementé : son poids, son prix, ses ingrédients et bien sûr l’organisation de la profession de boulanger. Mais avant le boulanger, il y a le meunier et les paysans : c’est toute une architecture sociale qui repose sur la protection et la commercialisation du pain»3.
Sources :
1 : « Quel pain voulons-nous ? » Marie Astier. « French touch le pain une histoire francaise » Lepetitjournal.com.
2 : « Je ne mangerai pas de ce pain-là » Adriano Farano. « Le pain une longue histoire d’innovations techniques et sociales » Theconversation.com.
3 : « Si le pain m’était conté… » de Benigno Cacérès.
Ma recette de cuisson sous terre
Depuis de nombreuses années, j’aime prendre le temps de préparer du pain pour accompagner mes
repas lorsque je suis dans la nature. Cela demande plusieurs heures de préparation mais le jeu en
vaut la chandelle.
Étant un adepte des croûtes croustillantes et de mies tendres, je me suis orienté vers la cuisson sous
terre. J’ai découvert et expérimenté ce type de cuisson en 2005, lorsque j’habitais sur l’île de la
réunion. Hormis le coté « folklorique » de cette pratique, cela évite surtout de devoir fabriquer un
four.
D’après mon expérience personnelle, les fours artisanaux fabriqués dans la nature nécessitent une
attention particulière au moment de la cuisson. Selon la qualité du four réalisé, on risque de
manquer d’homogénéité et de brûler une partie du pain. Une cuisson sous terre produit une chaleur
douce et uniforme nous permettant de vaquer à nos occupations.
Voici maintenant les différentes étapes de ce procédé. Ne soyez pas pressé, il faut en moyenne 4 à
5h pour faire du pain de cette manière.
Le feu
La première étape de préparation de ce pain va être de créer une grosse quantité de braises pour
effectuer notre cuisson sous terre. Allumez donc un feu puis alimentez-le généreusement pendant
plus de deux heures. Évitez d’utiliser des essences de bois comme l’épicéa ou le sapin car ils ne
produisent pas assez de braises. Le frêne, le bouleau ou encore le charme sont préférables.
Il faut faire très attention à l’endroit ou l’on fait le feu, renseignez-vous sur la législation en vigueur.
Évitez d’être à proximité d’arbres résineux car les racines peuvent braiser et déclencher un incendie
quelques heures/jours plus tard.
La pâte
Pendant ce temps, préparez la pâte dans une petite marmite en inox (ça marche aussi avec de
l’aluminium).
La recette est toute simple. Mélangez de la farine avec de l’eau, du sel, du poivre ainsi que la
levure. Pour les quantités je procède toujours à vue de nez, mais cette fois j’ai pris le temps de peser
chaque ingrédient. 500G de farine, 10g de sel, 10 g de poivre, 1 sachet de levure boulangère. Il faut
veiller à ce que le sel et la levure ne soient pas en contact direct, au risque d’annuler l’effet de
pousse. Le sel donne du corps et de la fermeté à la pâte et régularise la fermentation, le poivre c’est
pour le goût, et la levure pour avoir un pain volumineux et aéré.
Pétrissez la pâte pendant une quinzaine de minute. Cela permet de bien mélanger tout les
ingrédients et d’obtenir une pâte homogène, facile à travailler.
Lorsqu’elle ne colle plus aux doigts, façonnez là en boule puis déposez la dans la marmite dont
vous aurez préalablement tapissé le fond de farine afin que le pâton ne colle pas pendant la cuisson.
Déposez cette marmite à proximité du feu pour faire lever la pâte. Pas trop proche non plus sinon
elle risque de commencer à cuire. Il faut que l’on puisse garder sa main devant le récipient sans que
la chaleur du feu nous brûle. Le temps de pousse varie considérablement en fonction de la saison et
des températures extérieures. Mais en moyenne il faut deux heures pour avoir une pâte bien levée.
Lorsque la pousse est terminée, grignez légèrement le dessus de la pâte avec une lame de rasoir
pour permettre au pain de se développer parfaitement. Vous pouvez aussi le faire avec une lame de
couteau fine et bien affûtée type Opinel. Saupoudrez de farine le dessus de la pâte et refermez la
marmite avec son couvercle.
La cuisson
Maintenant, voici l’étape la plus délicate , la cuisson ! Pour effectuer une cuisson sous terre, creusez
un trou dans le sol d’environ 40 à 50cm de profondeur. Une pelle pliante type US fait très bien
l’affaire. Utilisez la braise de votre foyer à feu pour remplir le fond du trou d’environ 10cm de
braises bien vives. Déposez-y ensuite la marmite et comblez les cotés et le dessus avec la braise
restante. Important, il faut une dizaine de centimètre de braise tout autour de la marmite afin d’avoir
une cuisson homogène.
Petite astuce, entreposez une sardine métallique entre la marmite et son couvercle afin de laisser un
espace permettant à l’humidité de la pâte de s’échapper.
Recouvrez le tout avec une dizaine de centimètre de terre. En hiver, ou s’il n’y a pas assez de
braises, déplacez votre feu par dessus l’ensemble afin de créer une source de chaleur constante
pendant toute la cuisson. En moyenne il faut 1h15 voir 1h30 pour une cuisson parfaite.
Utilisez la pelle pour dégager la marmite du trou. Des gants en cuir peuvent être utiles pour sortir le
pain de la marmite. C’est maintenant le moment de vérité ! Si la cuisson est réussie, vous pouvez
maintenant consommer votre pain avec satisfaction et fierté ! Un pesto d’ail des ours ou encore un
peu de miel accompagnera parfaitement ce bon pain !
Conclusion
Pas besoin d’être boulanger pour faire du pain, ni d’avoir un four à disposition. Il suffit simplement
d’avoir l’envie (et le temps) de consommer quelque chose fait de ses mains. Il n’y a rien de plus
gratifiant ! Et si comme moi vous aimez varier les plaisirs, vous pouvez agrémenter votre pâte à
pain d’ail, de chocolat, d’épices ou encore d’aromates en tout genre !
Et comme le disait si bien Joël Robuchon, « Bon appétit bien sûr » !